literature

Secret Santa Melusinistross/ Kamifrenchcreation

Deviation Actions

spadiekitchenqueen's avatar
Published:
948 Views

Literature Text

"Margot, arrêtez de les regarder comme ça! C'est indécent voyons!"

Même si la matrone avait sifflé cette remontrance entre ses dents, l'exaspération n'en était pas moins perceptible et la jeune femme détourna le regard précipitamment, rougissante. Madame Fetchet n'était pas une mauvaise patronne, loin de là, et Margot ne souhaitait pas perdre sa place. Ici elle avait non seulement un emploi bien rémunéré mais Madame Fetchet insistait pour habiller elle même ses employées: les tenues étaient certes guindées et loin d'être à la dernière mode, mais le tissu était de bonne qualité et parfaitement cousu. Ceci ajouté à la possibilité de rapporter chez soi les invendus du jour pour améliorer le quotidien familial faisait de son employeuse une femme qu'elle ne désirait pas décevoir et avec un petit hochement de tête, elle retourna à la préparation du plateau commandé par le couple.

Une théière du meilleur Assam, larges feuilles et non émiettées, accompagnée d'un plateau de scones tout chaud sortis du jour pour la femme, et une cafetière d'un arabica si aromatique que Madame Fetchet insistait pour le préparer elle même de crainte qu'un seul des précieux grains ne soient perdus, pour l'homme, accompagnait un plateau des petits fours variés qui faisaient la réputation de la maison.

Margot souleva précautionneusement le lourd plateau d'argent et se dirigea vers la table. C'était l'homme qui avait choisi l'endroit, une alcôve partiellement dissimulée par de lourds rideaux de brocart qui offrait néanmoins une vue parfaite sur l'avenue devant le salon de thé. Alors qu'elle s'approchait lentement pour ne rien renverser, elle entendit quelques fragments d'une conversation animée qui s'éteignirent dès que l'homme remarqua sa présence. Il lui sourit poliment alors qu'elle déposait son précieux chargement sur la table, mais l'expression affable de son visage était contredite par la dureté de son regard. Il n'était guère étonnant que Madame Fetchet se soit ainsi cabrée en les voyant entrer ensemble dans son établissement. Si Miss Montright était une habituée des lieux et toujours bien accueillie, malgré ce que Madame Fetchet appelait sa "regrettable tendance à l'intellectualisme, quel dommage vraiment, une jeune femme si douce aurait pu facilement se trouver un bon mari si elle ne s'était pas fourré toutes ces idées modernes en tête, que cela vous serve de leçon Margot!", l'homme quand à lui dégageait une aura de danger qui contrastait avec l'élégance de sa tenue, une allure de voyou dans un habit de dandy.

Il était inconnu de Margot mais apparemment pas de sa patronne. A la vue de cette silhouette élancée et parfaitement bien mise entrant dans son salon de thé, Madame Fletchet avait pris une telle inspiration que Margot avait pu entendre les baleines de son corset grincer sous la soudaine tension et deux taches d'un rouge diffus étaient apparues sous la couche de poudre de riz qui fardait les joues de la matrone. Le couple était entré précipitamment, faisait tinter en un carillon discordant les clochettes de bronze qui décoraient la porte et l'homme avait saisi le bras de sa compagne pour la traîner sans ménagement vers l'alcôve, récoltant dans l'instant un sévère coup d'ombrelle sur le tibia tandis qu'elle remettait de l'ordre dans sa tenue avant de s'asseoir avec componction sous le regard furibond de son compagnon.

Avec un dernier sourire contraint, Margot s'éloigna, entendant les échos de la conversation qui reprenait derrière elle tandis que de son poste près de l'entrée de service, Madame Fletchet continuait à les contempler avec un mélange de mépris et de fascination.


"Vraiment, Monsieur Blacthorne, était ce vraiment nécessaire? Regardez moi ça, les plumes de mon chapeau sont toutes abîmées! Il avait été commandé directement de Paris, vous savez. C'était un de mes préférés."

"La peste soit de votre chapeau, Rhodélia! Avez vous la moindre idée du guêpier dans lequel vous vous étiez fourré?"

"Je dois vous avouer que non. Avant que vous ne fassiez irruption comme un diable sortant de sa boîte, la situation me semblait au contraire parfaitement contrôlée. Sans votre interruption inopinée, je pense même que j'aurais pu sans problèmes aucuns récupérer les informations que j'étais venue chercher."

Sur ces mots énoncés avec placidité, Rhodélia entreprit de se servir une tasse de thé. L'Assam était infusé à la perfection, parfumé et délicat. Elle rompit un scone en deux, le nappa de l'épaisse crème de Guernesey qu'elle aimait tant, aussi douce et riche que du beurre, avant de rajouter une cuillérée de gelée de cassis. Il était hors de question de laisser ce malappris lui gâcher le réconfort bien mérité de son thé et elle leva sa tasse en un salut moqueur avant de prendre la première gorgée, fermant les yeux lorsque sa langue entra en contact avec le divin breuvage. Elle tremblait encore légèrement, mais il était hors de question de laisser voir à son compagnon à quel point elle avait été impressionnée par les derniers événements.

Marcus se mordit la langue pour réfréner la remarque vipérine qui lui brûlait les lèvres et avec un sourire contraint, suivit l'exemple de sa compagne et se servit une tasse de café. Rarement une femme avait réussi à l'exaspérer aussi rapidement que cette Miss Montright et la voir ainsi le narguer alors qu'elle se serait sûrement retrouvée au fond de la Tamise sans son intervention le faisait grincer des dents. Sa main gauche le lançait encore et il fit jouer ses doigts plusieurs fois, vérifiant qu'il ne s'était rien cassé en volant au secours de cette jeune écervelée. Le café était brûlant, abrasif, amer, exactement ce qu'il lui fallait à cet instant précis. Devant lui Rhodélia mordit dans le scone généreusement nappé de crème et de confiture, le bref éclat rapace de ses dents nacrées lui rappelant brièvement à quel point il avait eu envie de l'embrasser, de museler cette bouche trop audacieuse de la sienne quelques minutes plus tôt alors qu'il l'avait précipitamment traînée sous l'arche d'un portail pour échapper à leurs poursuivants avant de trouver refuge en ces lieux.

Toujours partagé entre l'envie de basculer la jeune femme sur son genou pour lui administrer une correction bien méritée, et la prendre sur ses genoux pour un tout autre exercice, il se força à se détendre, faisant rouler ses épaules sous le tissu de sa chemise pour détendre de muscles toujours vibrant sous l'influx d'adrénaline. Le discret cliquetis de la porcelaine alors qu'elle reposait sa tasse amena un bref sourire dépourvu d'humour sur ses lèvres. Au moins, elle avait eu suffisamment de jugeote pour avoir eu peur, bien qu'il eut préféré qu'elle en ai suffisamment pour ne pas se laisser embringuer dans cette histoire et plus encore, pour ne point l'avoir entraîné avec elle! Il cligna des yeux lentement et vit la façon qu'elle avait de le regarder, soudainement tendue, aux aguets. Une musaraigne devant un serpent, petite créature vive, mais pas assez rapide pour échapper à son prédateur.

Il se pencha en avant et au mépris de toutes les conventions, se délectant du hoquet outré de la rombière qui n'avait eu de cesse de le foudroyer du regard depuis son entrée, posa sa main sur le genou de Rodélia, sentant à travers les épaisseurs de tissu la délicatesse de l'ossature et la chaleur de son corps.

"Alors, Mademoiselle Montright... Vous déciderez vous à me dire ce qui vous a conduit dans ce repaire d'iniquité?"

"Mais bien évidemment, Monsieur Blacthorne. Si en échange vous me promettez de ne rien en ébruiter."

Le sourire qu'elle lui lança en disant cela désarma toutes velléités de sarcasme de sa part, tant il était malicieux. Bien sûr qu'elle savait qu'il n'ébruiterait rien de cette affaire. Un homme navigant comme lui entre les sphères les plus hautes et la fange la plus sombre, de la société londonienne, se devait de savoir garder le silence sur ses différentes occupations.

Il la regarda sortir de son sac un petit carnet de cuir aux coins usés, à la reliure abîmée d'avoir été ouverte des centaines de fois. Que ne donnerait il pas un jour pour pouvoir y jeter un oeil. Elle semblait garder le précieux objet toujours à proximité, une extension d'elle même, rempli de ses théories et pensées. D'un geste distrait elle remonta ses lunettes au verres cerclés de métal plus haut sur son nez, tapotant deux fois la mine de son crayon sur ses lèvres tandis qu'elle feuilletait du pouce le précieux calepin.

"Il y a maintenant deux semaines de cela, un cas de possession a été rapportée chez la modiste la plus cotée de Londres. Une des petites mains s'est effondrée, convulsant et bavant, en plein milieu de la séance d'essayage de la Duchesse d'Edimbourg."

"Voilà qui est fort ennuyeux, mais je ne vois pas le rapport avec vos activités de ces derniers jours..."

Marcus reprit une gorgée de café, appréciant plus l'énergie apportée par le breuvage que son arôme, un peu trop âpre à son goût malgré le sucre qu'il avait libéralement ajouté. En un geste d'apaisement qui le surprit, Rhodélia ajouta à sa tasse lorsqu'il la reposa une généreuse cuillérée de crème, transformant la noirceur de la boisson en un caramel onctueux. Toute l'amertume de la boisson avait disparut, ne laissant sur la langue de Marcus que le velours de l'arôme adouci par la richesse de la crème et il inclina brièvement la tête vers elle en un geste d'appréciation silencieux qui toucha néanmoins bien plus la jeune femme que toutes ses déclarations grandiloquentes dont elle avait été témoin.

Si quelqu'un lui avait demandé, Marcus n'aurait pas répondu qu'il se considérait comme un homme pieux, mais comme tout un chacun ou presque, il avait été élevé dans la crainte de l'inexplicable. Voir la jeune femme en face de lui rejeter comme une évidence toute possibilité de surnaturel le mettait mal à l'aise mais il n'en montra rien, dissimulant ce sentiment derrière une curiosité de façade que Rhodélia prit pour de la condescendance mal déguisée.

"Je ne sais pas pour vous, Monsieur Blacthorne, mais en cet âge des Lumières et malgré la fascination de certains de nos concitoyens pour le surnaturel, je ne crois guère en la magie, la possession, ou les exorcismes."

"Ce qui nous amène, de façon pour l'instant toujours aussi absconse pour moi je l'avoue, dans les bas fonds londoniens?"

"En effet. J'ai mené ma petite enquête et il s'avère que la malheureuse n'a pas été la seule à souffrir de ce genre de symptômes dernièrement."

"Et vous doutez de la probabilité d'une épidémie de possessions."

"Monsieur Blacthorne, vos capacités de déduction sont un enchantement permanent."

"Vous devriez plutôt complimenter mes capacités d'observation, Rhodélia. Ils nous ont retrouvés. Non, ne vous retournez pas."

Marcus avait repéré la réaction de l'homme alors qu'il passait devant la vitrine, scrutant fort peu discrètement l'intérieur du salon de thé. Malgré l'abri offert par l'alcôve, l'homme au visage chafouin avait reconnu leurs deux silhouettes et avait tourné les talons immédiatement, s'éloignant sûrement pour héler ses compagnons. Rhodélia avait vraiment réussi cette fois ci à agacer d'autres que lui, d'autres qui n'auraient certainement pas les même dispositions que lui envers la jeune femme. En un geste élégant mais qui ne lui laissait guère le choix, il se saisit de son poignet et la propulsa debout, bousculant au passage la table et la cafetière qui tangua, éclaboussant la nappe de lin damassé.

"Je suppose qu'un tel endroit doit posséder une entrée de service?"

"Oui, bien sûr, mais ne serions nous pas plus avisés d'appeler les constables?"

Il ne dit rien, se contentant de la regardant les sourcils levés avec ce demi sourire en coin qui l'horripilait tant mais cette fois, elle ne pouvait que se ranger à son opinion: faire appel aux forces de l'ordre l'obligerait à révéler certaines informations qu'elle préférait pour le moment garder pour elle.

En quelques enjambées il avait rejoint Madame Fletchet, Rhodélia sur ses talons. Il adressa son sourire le plus charmeur à la tenante des lieux, notant la façon dont elle le regardait, mépris et envie mêlés. Il ne l'avait jamais rencontré mais se doutait bien que sa réputation l'avait précédé.

"Madame, vous nous voyez au regret de devoir vous quitter aussi précipitamment. N'y voyez aucune insulte à la qualité de votre service ou de vos mets, mais les circonstances exigent que nous fassions preuve d'une certaine discrétion. Nous emprunterons donc la porte de derrière. Ce fut un plaisir de déguster vos douceurs et soyez sûre que je me ferais une joie de revenir en profiter ultérieurement."

En un geste souple et exercé il se saisit de sa main pour la baiser, laissant ses lèvres effleurer la peau fatiguée mais toujours douce de la femme qui hoqueta de surprise. Il n'avait pas choisi ses mots au hasard et sourit en voyant la réaction de la femme, à présent écarlate et bafouillante comme une jeune femme à son premier bal.

Sans ajouter un mot madame Fletchet fit un pas de coté, le regard obstinément vissé à terre pour tenter de dissimuler son émoi, laissant Marcus et Rhodélia passer dans la cuisine sous le regard interloqué de Margot. Celle ci vit le couple se faufiler jusque vers la porte du fond, Marcus déposant au passage une pièce sur le plan de travail, une belle pièce d'une livre brillante comme si elle avait été frappée du jour, plus que ce que Margot gagnait en une semaine.

"Mademoiselle, si d'aucuns vous demandent.. Vous ne nous avez pas vu."

Dans l'allée étroite, Rhodélia se surprit à pouffer comme une écolière sous le regard goguenard de son compagnon, qui se laissa petit à petit gagner pas son amusement, souriant avant de laisser échapper un petit rire.

"Décidément, mademoiselle Montright, vous avez le chic pour surprendre."

"Vous dites cela comme si c'était un défaut, Marcus."

"Bien au contraire. Bien au contraire Rhodélia. Venez, je vous ramène chez vous."

Il vit son regard soudainement alarmé et sourit, adaptant son allure à la sienne pour qu'ils avancent de concert.

"Nous y serons plus à l'aise pour discuter de cette affaire."

"Ce sera un plaisir, monsieur Blacthorne."
Et vous mon cadeau pour *melusineistross pour le Secret santa organisé par le groupe :iconkamifrenchcreation:

Une mini fiction sur ses Ocs Marcus et Rhodélia que vous pouvez découvrir ici: Did the cat catch a mouse ? by melusineistross character study by melusineistross  Ready for a fight ! by melusineistross melusineistross.deviantart.com…

J'ai adoré écrire sur eux et j'espère que ça te plaira!

Giganténormes bisous et joyeux Noël! :huggle:
© 2013 - 2024 spadiekitchenqueen
Comments42
Join the community to add your comment. Already a deviant? Log In
Lithana-Stia's avatar
Ahhh j'ai adoré ! Quel talent. :love:
Je pense qu'après ça, Melusineistross, ne va pas lâcher son couple géniallissime. :D